Je bouge, donc j’apprends une autre langue

Traditionnellement, la salle de classe, connue pour ses chaises et bureaux statiques, n’invite pas les élèves à faire de la gymnastique. Pourtant, bouger c’est non seulement prendre soin de son corps, mais aussi entretenir un cerveau actif et en bonne santé. L’activité physique semble donc tout à fait indiquée comme soutien à l’enseignement, y compris celui des langues étrangères. Que faire concrètement et comment s’y prendre ? Le dernier numéro thématique de Babylonia (3/2019) propose des éléments de réponses.

Du yoga aux arts dramatiques, en passant par l’escape room
Nous apprenons mieux avec notre corps. Manuela Macedonia le démontre sur la base de la recherche en neurosciences : combiner gestes et vocabulaire favoriserait l’apprentissage lexicale. Exploiter le langage corporel permet un meilleur conditionnement psychique face aux défis, à l’image des sportifs qui ont leur propre rituel avant d’entrer en compétition. C’est ce que soulignent Corina Venzin, Ledia Kazazi, Patrick Büchel et Clémentine Abel en nous rappelant le lien sensible entre notre façon de percevoir le monde et le langage.

Le mouvement corporel joue un rôle important dans l’acquisition et la compréhension des métaphores et des concepts abstraits. Mais ces bienfaits se limitent-ils au lexique et à la gestuelle ? Non. Plusieurs articles suggèrent que ces activités présentent quantité d’autres avantages. Par exemple, Reto Pfirter explique comment la compréhension écrite est favorisée en combinant mouvement et lecture. Berit Jany montre comment l’on peut concrètement pratiquer le yoga en classe, simplement et sans grande préparation, tout en enseignant une langue étrangère, comme l’allemand. Ici, on alterne positions de yoga, compréhension écrite et expression orale dans le cadre de l’apprentissage de l’impératif. En bonus, les tensions baissent et l’apaisement règne ; bref, on apprend mieux.

S’inspirant des arts dramatiques, d’autres articles parlent des vertus pédagogiques d’approches combinant enseignement plutôt conventionnel, technologies et exercices théâtraux (voir les articles de Natalia Dominguez Sapien & Georgina Dragović ; Eva Göksel ; Magda Vitsou, Maria Papadopoulou & Eleni Gana ; Serafina Morrin).

Finalement, Mario Cruz innove avec la conception d’une séquence d’enseignement autour du nouveau jeu grandeur nature à la mode : l’escape room/game. Ici, toutes les compétences peuvent être sollicitées (lecture, écrit, expression orale, écoute), dans un esprit collaboratif et dans le but de résoudre une énigme. Quoi de plus passionnant pour des élèves accusant souvent le caractère ennuyeux de l’école !

Des idées et ressources innovantes… et accessibles à tout le monde?
Le dernier numéro thématique de Babylonia (3/2019) offre une palette de possibilités didactiques à quiconque souhaite « secouer » son enseignement des langues ou s’interroger sur le caractère sédentaire de sa dynamique de classe. Un·e enseignant·e du secteur public notera que certaines auteures (par ex. Berit Jany ; Natalia Dominguez Sapien & Georgina Dragović) sont conscientes des contraintes liées au plan d’étude et du niveau relatif de leurs élèves, aussi celles-ci suggèrent-elles des alternatives pour faciliter la mise en œuvre d’activités. On pourrait toutefois argumenter en faveur de davantage de ressources pédagogiques et méthodologiques qui seraient mises à la disposition des enseignant·es. En effet, faire du yoga ne plait pas forcément à tout le monde et nécessite un certain savoir-faire.

Bien que le yoga, l’escape room, le jeu en général ainsi que le théâtre puissent être adaptés à différent·e·s types d’apprenant·e·s et de différents niveaux, on peut se demander si ces approches innovantes peuvent vraiment être intégrées dans le quotidien scolaire, tant du point de vue infrastructurel que méthodologique. Les classes (et cours d’école), dans lesquels les élèves n’ont pas forcément beaucoup de place, n’offrent peut-être pas à toutes et tous la possibilité de pratiquer le mouvement en toute liberté. La didactique des langues fait donc face à encore bien des défis, notamment celui d’un compromis entre les innovations méthodologiques et technologiques, ainsi que les espaces, les moyens déjà disponibles, et peut-être aussi les personnalités et préférences du corps enseignant.

 

Babylonia 3/2019 est à consulter ici

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