Un jeu sérieux pour apprendre en riant la langue telle qu’elle est utile dans le milieu hospitalier ? C’est le défi qu’ont relevé les intervenantes et intervenants du cycle d’événements du 14 avril 2025 : Daniela Lurman-Lange, Responsable plurilinguisme et professeure d‘allemand à l’hôpital fribourgeois (HFR), Marika Bana, Professeure associée à la Haute école de santé Fribourg (HEdS-FR), David Hofer, associé et développeur dans l’entreprise DNA-Studios, spécialisée dans le développement de « jeux sérieux » et Antoine Débois, créateur de contenus.
Ils et elles ont présenté le résultat de quatre ans de travaux : Ça passe ou ça casse (Hals- und Beinbruch dans sa version en allemand) est un jeu vidéo en accès libre, élaboré pour tenir compte des besoins très spécifiques d’apprenant·es très divers. Les intervenant·es ont dévoilé de quelle manière ils ont trouvé un équilibre entre contraintes didactiques et pratiques pour favoriser le bilinguisme français-allemand à l’hôpital fribourgeois.

Un public très varié dans un contexte très spécifique
Ça passe ou ça casse, Hals- und Beinbruch dans la version en allemand, a été conçu pour répondre aux besoins linguistiques de l’hôpital fribourgeois, c’est-à-dire des personnes qui y sont employées, soit potentiellement 3’500 femmes et hommes sur quatre sites (Fribourg, Tafers, Meyriez, Riaz), avec des formations et métiers différents dans les divers services, 80 nationalités dont les un·es sont à divers degrés francophones et les autres germanophones, et de toutes les générations : de la formation à la retraite.
Au-delà de la diversité, des points communs sont à noter : une charge de travail très importante, notamment dû à un manque de personnel.
Des cours de Français Langue Étrangère (FLE) et d’Allemand Langue Étrangère (DaF) spécifiques aux professions hospitalières sont proposés gratuitement et peuvent être suivis sur le temps de travail la première année. Ces cours sont l’occasion de travailler sur la communication et permettent une grande variabilité des échanges. La motivation des étudiant·es est donc très élevée. Mais pour revoir et ancrer le vocabulaire et les expressions employées le plus fréquemment, un premier besoin a été identifié : une appli, complémentaire des cours et spécifique à la profession. Au-delà de la première année, il est difficile pour beaucoup de poursuivre les cours, quel que soit leur souhait. Le besoin d’un outil permettant à ces personnes de revoir ou d’apprendre en autonomie des expressions spécifiques à leur profession s’est ainsi manifesté.
Quant aux soignants·es en formation à la Haute école de santé Fribourg, il s’est avéré qu’il leur serait utile de pouvoir travailler la compréhension orale, avec des extraits à écouter.
Un jeu sérieux mais amusant qui peut être joué pendant une pause, dans le bus, lors d’une garde de nuit […] — et aussi un jeu inclusif, tant visuellement dans la représentation des genres, générations et couleurs de peau que dans les choix de professions.
Des besoins divers, mais dans lesquels Daniela Lurman-Lange a recherché les synergies. Le matériel devra donc
- … être conçu comme un accompagnement ludique des cours de FLE et DaF et comme un outil, certes insuffisant pour apprendre la langue, pour ceux·celles qui ne peuvent assister aux cours
- … être facile d’accès
- … être ludique et humoristique
- … tenir compte de la diversité des joueurs·euses
- … porter sur les spécificités linguistiques et communicatives des métiers de l’hôpital
- … préparer la communication orale : production et compréhension
Bref, un jeu qui permette de revoir et de mémoriser un ensemble d’expressions et de termes récurrents dans les métiers hospitaliers — un jeu sérieux mais amusant qui peut être joué pendant une pause, dans le bus, lors d’une garde de nuit particulièrement calme ou confortablement installé chez soi — et aussi un jeu inclusif, tant visuellement dans la représentation des genres, générations et couleurs de peau que dans les choix de professions.
Allemand ou suisse allemand ?
Ce qui est très important, la question principale à laquelle nous sommes toujours confrontées, c’est le dialecte.
Daniela Lurman-Lange
Si on ne peut douter que l’apprentissage linguistique facilite la communication, il serait tout aussi illusoire d’en attendre la solution à toutes les difficultés. L’expérience a montré à Daniela Lurman-Lange que la question des dialectes suisses alémaniques constituait une préoccupation largement partagée. Et il semble bien que les enseignant-es en chair et en os des cours de langue à l’hôpital fribourgeois soient les mieux à même de susciter des discussions constructives à ce sujet.
Voici ce que précise Daniela Lurman-Lange à ce sujet :
« Ce qui est très important, la question principale à laquelle nous sommes toujours confrontées, c’est celle du dialecte.
Les francophones ont eu 10 ans d’allemand à l’école à Fribourg. Et après, dans leur vie professionnelle, ils et elles sont confronté·es au dialecte singinois. [Rires des auditeurs·trices] Je sais que vous connaissez aussi cette situation, côté francophone ou germanophone. C’est très important de thématiser ce challenge dans les cours. Il arrive souvent que les germanophones répondent en français aux francophones qui ont pourtant fait l’effort de parler allemand. Pour les francophones, c’est parfois déstabilisant, ils pensent que leur allemand est mauvais et ce n’est pas du tout vrai, alors que pour les germanophones, c’est une question de politesse, de gentillesse : ils et elles font un pas vers les francophones ou n’ont pas envie de parler en « Schriftdeutsch ».
Voici un malentendu typique dont nous parlons en cours. A ce sujet, je suis toujours à l’écoute. C’est souvent sujet à discussion. Alors, je communique ce que je sais de la perspective de l’autre : le point de vue des francophones aux germanophones, et vice-versa. Avec ces deux voix, nous discutons des solutions possibles. Il y a souvent des choses très bonnes qui sortent. En fait, les personnes des deux côtés sont frustrées, les deux ressentent les mêmes sentiments. Et si les deux se réunissent et changent de perspective, les un·es comme les autres sont prêt·es à s’ouvrir à l’autre et à trouver une voie. C’est une question qui revient dans les cours. Et d’en parler, ça les motive à se lancer. »
Daniela Lurman-Lange
Dans le jeu, les propos en allemand ont été enregistrés par un Fribourgeois dont l’extravagante tâche consistait à garder une nette coloration helvétique sans être trop « local » : une nouvelle occasion de sourire – et de lancer une discussion !
Toutes les réponses en un jeu
Marika Bana, Daniela Lurman-Lange ainsi conçu un jeu en accès libre avec David Hofer et Antoine Débois. Inspiré par les jeux vidéo des années 80, Ça passe ou ça casse met en scène des situations du quotidien hospitalier avec distance et humour dans un univers coloré.
Pour définir les expressions et mots de vocabulaire à intégrer, l’expérience des enseignantes constitue la première source d’inspiration avec le matériel développé au fil des années pour les cours de langue en réponse aux besoins des apprenant·es. Comprendre les parties du corps, par exemple, est nécessaire pour les personnes à l’accueil qui doivent orienter les patient·es, les infirmiers·ières, etc. Si du matériel existant a été consulté (livres sur la santé et les soins, liste d’expressions de base réalisée par le service des urgences), ces sources ont été révisées et corrigées pour que les expressions choisies correspondent bien à l’usage en Suisse et répondent aux exigences d’une communication patients·es-spécialistes de qualité.

Dans Ça passe ou ça casse, le·la joueur·euse incarne une personne qui travaille à l’hôpital.
L’hôpital est rempli de patient·es incroyables dont il faut s’occuper. A l’arrivée d’une nouvelle patiente, par exemple, il s’agit de décider si la personne doit être admise ou si c’est une visiteuse, puis le cas échéant, il faut l’amener à une chambre, localiser la douleur, l’amener en salle d’opération, choisir avec elle son menu en fonction de ses allergies, etc. C’est le joueur·euse qui choisit son parcours dans l’hôpital.
Pour l’instant, le niveau débutant a été créé pour les services des urgences, de l’admission, de l’hôtellerie et des soins (infirmiers·ières et médecins).
Mais n’en dévoilons pas trop !
A vous de jouer !
Découvrez l’humour sanglant comme une salle d’opération de Ça passe ou ça casse / Hals- und Beinbruch et testez vos connaissances en vocabulaire de la santé dans l’une ou l’autre langue !
Ça passe ou ça casse / Hals- und Beinbruch est un projet de l’hôpital fribourgeois (HFR) en collaboration avec la Haute école de santé Fribourg (HEdS-FR), développé par DNA Studios.
Pour améliorer le jeu, n’hésitez pas à transmettre votre retour sur la plateforme !
Vers le jeu :
Pour apprendre le français: Ça passe ou ça casse
Pour apprendre l’allemand: Hals- und Beinbruch
Vers la description du projet sur le site de l’hôpital fribourgeois (HFR) (FR & DE)
Vers la présentation du projet sur le site de DNA Studios (FR & EN)
*Les images sont publiées avec l’aimable autorisation de DNA Studios
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