Nora Kündig ist Fremdsprachenlehrerin und -didaktikerin. 2024 verteidigte sie an der Universität Freiburg ihre Masterarbeit mit dem Titel Maîtriser une conversation grâce aux vidéos TikTok : l’effet de l’enseignement des expressions préfabriquées sur l’aisance orale des apprenant·e·s en FLE.E. Darin untersuchte sie eine Unterrichtsmethode, die mit Schüler:innen der Sekundarstufe I erprobt wurde.
Ein Titel, der nicht nur Neugier weckt, sondern auch ein zentrales Anliegen vieler Fremdsprachenlehrpersonen aufgreift: die Förderung der « aisance orale[1] » – insbesondere angesichts der begrenzten Unterrichtszeit.
Wie kann man aber diese «Aisance orale» messen? Kann die Verwendung von konventionellen Sequenzen den Redefluss oder die mündliche Gewandtheit verbessern? Wie wählt man passende Sequenzen und wie kann man sie unterrichten?
In diesem Interview enthüllt Nora Kündig, wie sie die Aisance orale untersucht hat und wie sie mit einer sorgfältig konzipierten didaktischen Methode zur Optimierung des Fremdsprachenlernens beitragen möchte.
Interview auf Französisch
[1] Zugleich Fluss und Redegewandtheit ist Aisance orale schwierig zu übersetzen. Daher behalten wir hier den französischen Begriff.
Bonjour Nora Kündig, pourquoi as-tu choisi de centrer tes recherches sur l’interaction orale des élèves en FLE au secondaire I ?
La motivation principale de mon projet est le fruit de mon expérience en tant qu’enseignante de FLE à l’école secondaire 1 en Suisse alémanique. Je considère que le développement de l’aisance à l’oral est central de l’enseignement du FLE, mais c’est aussi un grand défi.
Les plans d’études, comme le Lehrplan 21, donnent la priorité au développement de la compétence communicative dans l’enseignement des langues étrangères dès les niveaux débutants. Pourtant, sa mise en œuvre en classe reste difficile, notamment en raison de l’exposition limitée des élèves à la langue cible. Tandis que les interactions classiques, telles qu’un entretien de vente ou une commande au restaurant, sont fréquemment présentes dans les manuels, les conversations informelles entre ami·e·s ont tendance à être absentes. Par conséquent, un grand nombre d’élèves ne se sentent pas préparés à ce type d’interaction à l’issue de l’école obligatoire.
Face à ce constat, il me semble essentiel de réfléchir à des pratiques et des supports pédagogiques qui incitent les élèves à communiquer avec leurs pairs selon leurs propres codes, avec leurs propres mots. J’ai donc conçu et expérimenté une méthode d’enseignement pour améliorer l’aisance à l’oral dans des situations communicatives familières aux élèves du secondaire I, en utilisant des vidéos des réseaux sociaux.
En quoi consiste la méthode d’enseignement élaborée ? Comment l’as-tu développée ?
Au départ, je cherchais une méthode pour favoriser les compétences communicatives à l’oral et les travaux de la chercheuse suédoise Fanny Forsberg sur les séquences préfabriquées m’ont inspirée.
Il s’agit de séquences lexicales utilisées de manière conventionnelle pour exprimer une fonction communicative, comme « ça te dirait de … » pour proposer une activité.
Ces séquences facilitent la transmission des intentions communicatives et elles favorisent une production orale plus fluide. Avec un entraînement spécifique et du fait qu’elles se rencontrent plus souvent, elles s’ancrent mieux en mémoire et peuvent être mobilisées plus rapidement et efficacement que des énoncés construits à partir de règles grammaticales et de vocabulaire isolé (Myles & Cordier, 2017).
J’ai donc sélectionné des séquences préfabriquées pour mes élèves en m’appuyant sur l’étude de Tutin (2019) qui a identifié les séquences les plus fréquemment employées par les locuteurs·trices natif·ve·s dans des interactions informelles, au sein du corpus CLAPI. Pour les introduire auprès des élèves, j’ai choisi d’exploiter en classe des vidéos issues des réseaux sociaux comme TikTok. Cette plateforme multilingue, bien ancrée dans le quotidien des élèves, constitue un support riche pour exposer les élèves au langage authentique par les créateur·trices francophones.
Nous parlons des réseaux, mais le plus important, c’est bien l’impact de ta méthode d’apprentissage sur l’aisance à l’oral, n’est-ce pas ? Comment peut-on la mesurer et que faut-il mesurer au juste ?
Oui, en effet, la définition du concept de l’aisance ne s’est pas avérée facile, car il a évolué au fil du temps et peut être abordé sous différents angles. Ici, je me suis appuyée sur la terminologie développée par Segalowitz (2010), qui considère l’aisance dans l’interaction comme un phénomène dynamique et multifactoriel. Il distingue trois dimensions : l’aisance énonciative (liée à la fluidité du discours), l’aisance perçue (fondée sur l’impression de l’interlocuteur·trice) et l’aisance cognitive (reliée aux processus mentaux sous-jacents).
J’ai donc évalué l’aisance énonciative en mesurant un ensemble de paramètres objectifs tels que le débit de parole, le temps de phonation (le temps de parole sur toute la durée de la tâche) et la fréquence des hésitations ou réparations. Pour mesurer l’aisance perçue, cinq évaluateurs·trices francophones ont évalué de manière subjective, entre autres, la compréhensibilité, la prononciation, la fluidité, la réussite de la tâche et l’impression générale d’aisance.
Comment as-tu procédé pour évaluer l’impact de l’enseignement des séquences préfabriquées sur l’aisance à l’oral ?
J’ai testé ma méthode dans une classe de secondaire I en Suisse alémanique. Au début de l’intervention, j’ai demandé aux élèves de simuler en binôme une interaction quotidienne entre ami·e·s pour laquelle ils disposaient de consignes en allemand (par ex. « Frage deine Freundin, was sie am Wochenende geplant hat. »). Cette tâche, enregistrée sous forme de vidéo, constituait le pré-test et visait à recueillir un point de départ sur leurs compétences d’interaction orale. En complément, les élèves ont réalisé une auto-évaluation de leur performance, fournissant ainsi des données sur leur perception de leurs compétences communicatives. Pendant l’intervention, axée sur l’apprentissage de séquences préfabriquées à travers des vidéos, les élèves ont travaillé en binôme, de manière autonome, sous la supervision de leur enseignante. Ensuite, un post-test identique au pré-test a été réalisé afin d’observer l’évolution de leurs performances.
Parallèlement, une classe de contrôle a elle aussi réalisé le pré-test et le post-test, en ayant bénéficié du cours selon la méthode d’enseignement habituelle pendant les quatre semaines de l’intervention. Il s’agit donc d’une étude quasi-expérimentale qui a permis d’observer l’évolution des performances et de mesurer l’usage des séquences préfabriquées et l’impact de l’enseignement ciblé sur l’aisance à l’oral.
Le tableau suivant illustre le déroulement de la recherche.
Classe d’intervention | Classe de contrôle | ||
Au préalable | Lettre d’information Déclaration de consentement | ||
Semaine 17 | Prétest | Tâche d’interaction orale: enregistrement en vidéo Autoévaluation: selon grille d’évaluation | Tâche d’interaction orale: enregistrement en vidéo |
Semaine 18-21 | Intervention | Enseignement/apprentissage des séquences préfabriquées pour une interaction informelle | Enseignement selon curriculum sur un autre sujet |
Semaine 22 | Posttest | Tâche d’interaction orale: enregistrement en vidéo Autoévaluation: selon grille d’évaluation | Tâche d’interaction orale: enregistrement en vidéo |
Ultérieurement | Évaluation | Évaluation de l’aisance perçue par des évaluateurs·trices francophones (grille d‘évaluation) Mesure objective de l‘aisance énonciative: débit de parole, temps de parole sur toute la durée de la tâche, fréquence des réparations |
Tableau 1 : Déroulement de la recherche
En quoi consiste ton intervention ? Quelle est ta méthode pour enseigner les séquences préfabriquées ?
Les élèves ont commencé par visionner les vidéos avec les sous-titres, vidéos dans lesquelles les séquences ciblées sont utilisées en contexte. Conformément à l’hypothèse du noticing formulée par Schmidt (1990), qui postule qu’un·e apprenant·e doit consciemment remarquer une caractéristique linguistique dans l’input pour qu’elle soit traitée et intégrée cognitivement pour l’apprendre, les séquences préfabriquées ciblées ont été systématiquement mises en évidence par un code couleur dans le matériel pédagogique. Ensuite, un éventail d’activités a été proposé selon l’approche de la répétition dynamique : repérage des expressions, des jeux, un travail sur la prononciation. Ces activités visent à encourager les élèves à observer attentivement le langage des créateurs·trices francophones et à le reproduire.
Dans un second temps, les élèves ont été amenés à réutiliser activement les séquences apprises dans des jeux de rôles et à créer leur propres vidéos TikTok. Ces mises en situation, plus libres, leur ont permis d’intégrer les expressions de manière spontanée dans leur discours.
Comment as-tu sélectionné les vidéos ?
J’ai sélectionné les vidéos en me basant sur plusieurs critères. Il fallait qu’elles contiennent des séquences préfabriquées très fréquentes et qu’elles soient adaptées à la fois aux objectifs de ma séquence et au niveau des élèves. Mon but était aussi de leur faire entendre du français authentique, tel qu’il est parlé au quotidien, et non un français trop normé.
J’ai intégré des vidéos variées : certaines présentent plusieurs séquences correspondant à un acte de parole précis, comme saluer quelqu’un. D’autres montrent comment une même expression – par exemple « ça marche » ou « bien sûr » – peut être utilisée dans différents contextes concrets. Certaines vidéos visent à familiariser les élèves avec la prononciation naturelle de ces séquences, et d’autres encore les invitent à participer activement, en répondant par exemple à l’écran grâce à des sous-titres intégrés.
On aperçoit du suisse-allemand dans le matériel pédagogique. Pourquoi cela ?
Il s’agit de renforcer la compréhension et l’appropriation des séquences : en effet, celles-ci sont accompagnées dans le support pédagogique de leur traduction en suisse-allemand, la langue quotidienne des élèves. Bien que le français soit habituellement enseigné à partir de l’allemand standard, le recours au dialecte local se justifie ici par la volonté de favoriser des équivalents naturels et authentiques, ancrés dans un registre d’interaction informel. Ce choix s’inscrit dans la lignée des travaux de Laufer & Girsai (2008), Hilton (2019) et Arvidsson & Forsberg (2023), qui soulignent l’importance d’un ancrage contrastif pertinent pour favoriser le transfert lexical et pragmatique.
Quels sont les résultats principaux ? La méthode d’enseignement se révèle-t-elle efficace ?
Les retours des élèves, recueillis dans le cadre d’une étude complémentaire, montrent que l’intégration de vidéos issues des réseaux sociaux dans l’enseignement du français langue étrangère est motivante pour les élèves. De même, dans leurs retours, les enseignant·es estiment l’approche à la fois motivante, engageante et adaptée aux besoins communicatifs des élèves.
L’évaluation de l’aisance orale – réalisée par des évaluateurs·trices francophones à l’aide d’une grille d’évaluation – a mis en évidence une nette progression entre le pré-test et le post-test pour le groupe d’intervention, progression qui ne s’observe pas dans la classe de contrôle. Les élèves ont également montré une augmentation de l’utilisation des séquences préfabriquées ciblées dans leurs productions orales.
Il est vrai que l’effet de l’intervention varie d’un·e élève à l’autre : certain·e·s ont intégré rapidement les séquences et gagné en aisance, tandis que d’autres ont moins progressé. Par ailleurs, si une corrélation a été observée entre le nombre de séquences préfabriquées utilisées spontanément et l’évaluation subjective de l’aisance, les mesures objectives de l’aisance (telles que le débit de parole ou la fréquence des pauses) n’ont pas montré d’évolution marquée sur une période aussi courte. Il faudrait étendre la durée de l’intervention pour savoir si elle peut produire des effets stables sur l’aisance énonciative.
Par contre, et c’est ce qui devient intéressant pour l’enseignement, l’étude montre clairement que les élèves reproduisent davantage les séquences préfabriquées qui ont été explicitement mises en évidence dans les supports. Ce constat souligne l’importance de rendre les séquences préfabriquées saillantes dans l’enseignement, en cohérence avec les principes de l’attention focalisée (noticing).
Un grand merci, Nora, pour cet entretien sur ton travail de recherche.
Nous invitons les lecteurs et lectrices à consulter ton mémoire pour découvrir l’impressionnant cadre théorique que tu as convoqué, le détail de ta méthode d’enseignement ainsi que les résultats de recherche :
Kündig, N. (2024).
Maîtriser une conversation grâce aux vidéos TikTok
[Master, Université de Fribourg / Universität Freiburg].
Sources sélectionnées
Arvidsson, K., & Forsberg, F. (2023). Les séquences préfabriquées et leur rôle dans la communication orale en français Lx. La Revue de l’AQEFLS, 36(1). https://doi.org/10.7202/1108565ar
Forsberg, F. (2010). Using conventional sequences in L2 French. IRAL – International Review of Applied Linguistics in Language Teaching, 48(1), 25–51. https://doi.org/10.1515/iral.2010.002
Hilton, H. (2019). Sciences cognitives et apprentissage des langues [Rapport scientifique, Université Lyon 2]. Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco). https://www.cnesco.fr/langues-vivantes/
Laufer, B., & Girsai, N. (2008). The use of native language for improving second language vocabulary: An exploratory study. In A. Stavans & I. Kupferberg (Eds.), Studies in language and language education (pp. 261–275). Magnes.
Myles, F., & Cordier, C. (2017). Formulaic sequence(s) cannot be an umbrella term in SLA: Focusing on psycholinguistic FSs and their identification. Studies in Second Language Acquisition, 39(1), 3–28. https://doi.org/10.1017/S027226311600036X
Schmidt, R. (1990). The role of consciousness in second language learning. Applied Linguistics, 11(2), 129–158. https://doi.org/10.1093/applin/11.2.129
Segalowitz, N. (2010). Cognitive bases of second language fluency. Routledge.
Tavakoli, P., & Hunter, A.-M. (2018). Is fluency being ‘neglected’ in the classroom? Teacher understanding of fluency and related classroom practices. Language Teaching Research, 22(3), 330–349. https://doi.org/10.1177/1362168817708462
Tutin, A. (2019). Phrases préfabriquées des interactions : Quelques observations sur le corpus CLAPI. Cahiers de Lexicologie, 114, 63–91. https://doi.org/10.15122/isbn.978-2-406-09539-2.p.000