Working with songs is often included in foreign language instruction at the public-school level, but music is rarely taught explicitly in such courses. The project Languages and music: towards an interdisciplinary didactic approach at school – at the Vaud University of Teacher Education (HEP Vaud) shows us how music education can be an integral part of German and English lessons at school, and the ideas here are easily adaptable to other languages. To find out more, Laura Loder-Büchel (Zurich University of Teacher Education) posed a few questions to Chiara Bemporad, associate professor of foreign and second languages and co-project leader with Sabine Chatelain, ordinary professor of music didactics at HEP Vaud.
Max Raabe, Hänsel and Gretel, Philipp Dittberner, Sia, Aretha Franklin… instruments, rhythm, refrain! This musical repertoire and much more are part of the Languages and music: towards an interdisciplinary didactic approach at school project. This project shows that combining foreign language with music instruction is relatively straightforward and offers an interesting opportunity for learning both disciplines. Following the linguistic and musical objectives defined by the regional curriculum, the Plan d’Études Romand (PER), and in line with the units and topics of the foreign language teaching coursebooks for upper-primary and lower-secondary schools, learners discover musicians and songs in German and English, and learn about the history of music. They are guided with a task-based methodology (TBLT) to create skits, transpose refrains, create riddles and much more!
Les exemples mentionnés dans l’article sont disponibles dans le PDF à la fin de cette page. Les exercices proposés peuvent être employés et adaptés.
CeDiLE : En quoi consiste le projet ?
Chiara Bemporad: Notre projet a débuté fin 2019 et a été financé par deux instances, l’Office fédéral de la culture (pour les séquences d’allemand du cycle 2) et le Fonds de réserve et d’innovation de la HEP Vaud (pour les séquences en anglais du cycle 2 et 3 ainsi que d’éveil aux langues au cycle 1)[1]. Il s’agit d’une recherche-action collaborative pour laquelle des didacticiennes ont conçu 18 séquences didactiques interdisciplinaires langues et musique, d’une durée de 3 à 6 périodes qui ont été testées par des enseignant·e·s volontaires. Ces séquences tiennent compte des objectifs et de la progression du PER dans les deux disciplines. Nous adoptons une approche d’interdisciplinarité symétrique (Russel-Bowie 2009) qui préconise de mettre en commun des ressources afin de poursuivre des objectifs propres à chacune des disciplines de façon équilibrée.
Dans chaque séquences, les élèves découvrent une chanson et travaillent sur les aspects linguistique et musicaux. Notre but est de couvrir l’intégralité des niveaux de la scolarité obligatoire (de la 1e année primaire à la 11e secondaire), dans une logique de cohérence verticale tant pour les langues que pour la musique (Hutterli, 2012). Les didacticiennes ont observé le déroulement des séquences et interviewé ensuite les enseignant·e·s pour assurer le suivi scientifique du projet. Ces séquences dans leur forme révisées sont en train d’être publiées sur le site de la DGEO du Canton de Vaud et ensuite seront disponibles en Open Access.
Il s’agit d’une recherche-action collaborative pour laquelle des didacticiennes ont conçu 18 séquences didactiques interdisciplinaires langues et musique, d’une durée de 3 à 6 périodes qui ont été testées par des enseignant·e·s volontaires. […] Ces séquences dans leur forme révisées seront disponibles en Open Access.
CeDiLE : Dans quelle langue les cours de musique ont-ils été dispensés ? Dans la langue étrangère (allemand ou anglais) ou de scolarisation (français) ?
Chiara Bemporad : En général, les leçons de musique se déroulaient en français. D’une part, parce que les élèves de 5e ou 6e ont un niveau débutant en langue étrangère et d’autre part, parce que notre système scolaire ne prévoit pas d’enseignement bilingue. Dans ce contexte, nous avons posé l’hypothèse que la reprise d’une chanson en allemand ou en anglais en cours de musique, avec un travail sur son genre musical, mais aussi de prononciation, de syllabation, de rythme, ou encore l’intégration de gestes voire de chorégraphies ou de percussions corporelles renforcerait l’apprentissage de l’allemand ou de l’anglais ainsi que le rapport à la langue et à la culture. Néanmoins, les séquences didactiques développées pour ces cours de musique pourraient être dispensées en allemand ou en anglais dans un contexte scolaire d’enseignement bilingue ou d’îlots immersifs.
CeDiLE : Parlez-nous un peu des enseignant·e·s: Est-ce que la personne qui donnait le cours de langue étrangère donnait également la musique ? Et si non, quelles étaient les compétences des enseignant·e·s de musique en allemand ou en anglais ?
Chiara Bemporad: Nous avons testé les deux configurations : d’une part 8 classes avec deux enseignant·e·s (un·e pour l’allemand ou l’anglais et un·e pour la musique) et d’autre part 10 classes avec un·e enseignant·e pour les deux matières.
Quelques enseignant·e·s de musique avaient une excellente maîtrise de la langue étrangère, parfois même de l’expérience d’enseignement de ces langues dans d’autres classes. D’autres, en revanche, n’avaient pas ou peu de compétences en langue cible. Dans les deux cas, la séquence a fonctionné : dans le premier, l’enseignant·e a mobilisé ses compétences en allemand ou anglais pour renforcer l’apprentissage de la langue. Par exemple pour la chanson Nina mag nur nudels pour laquelle l’enseignant·e a proposé un travail de syllabation de certains mots de la chanson en le déclamant suivant un rythme ternaire ou quaternaire. Dans le second cas, l’enseignant·e a joué sur son manque de compétence pour mettre les élèves dans une position d’expert·e·s de la langue en leur disant (peut-être en exagérant un peu) qu’elles et ils devaient l’aider dans la prononciation anglaise pour bien chanter la chanson. C’était par exemple le cas de la chanson London’s burning que les élèves devaient chanter en canon sur un fond musical tout en battant le tempo avec des instruments à percussion. La fierté et la motivation des élèves à montrer leur compétence en langue étrangère était visible. Je précise que les enseignant·e·s qui ont participé à ce projet l’ont fait sur base volontaire, ce qui constitue un biais dans notre recherche, car ce sont certainement des enseignant·e· intéressé·e·s par le projet qui se sont prêté·e·s au jeu.
CeDiLE : Concernant les configurations un·e enseignant·e – deux matière vs un·e enseignant·e par branche, quelles ont été vos observations ? Laquelle conseilleriez-vous?
Chiara Bemporad : C’est difficile à dire, mais la configuration une personne – deux matières nous semble plus propice. En effet, les transitions entre les deux matières sont apparues plus naturelles et explicites. Par exemple, pour des séquences de 5e ou 6e comme Hänsel und Gretel ou Fahrrad fahr’n, les enseignant·e·s généralistes, ont même réorganisé leur horaire pour chercher plus de cohérence et progression. En revanche, lorsqu’il y avait un travail en binôme, les enseignant·e·s ont généralement peu communiqué entre eux et les transitions paraissaient moins explicites.
Ce constat nous a initialement surprises, parce nous envisagions la communication et la collaboration entre enseignant·e·s comme un point essentiel. Toutefois, les enseignant·e·s avaient un avis différent, en raison de leur charge de travail déjà élevée. Elles et ils ont reporté apprécier la légèreté du dispositif didactique et la clarté des planifications qui leur a permis de se tenir au courant de ce qui se passait dans l’autre matière sans passer par une collaboration chronophage. On pense donc que cette collaboration légère permettra à ce matériel d’être testé et utilisé par les enseignant·e·s.
Les enseignant·e·s ont reporté apprécier la légèreté du dispositif didactique et la clarté des planifications qui leur a permis de se tenir au courant de ce qui se passait dans l’autre matière sans passer par une collaboration chronophage.
CeDiLE : Sur quelle approche didactique ces cours de langue et musique sont-ils basés ? Est-ce qu’il s’agit plutôt d’un apprentissage implicite ou explicite ? Quels sont les éléments centraux ?
Chiara Bemporad : Nous avons utilisé l’approche basée sur les tâches. Pour l’accomplissement de la tâche, nous avons souvent travaillé sur le vocabulaire de la chanson en amont, en réactivant les éléments connus ou anticipant des mots ou des expression clés, ou encore des structures connues à fonction communicative (voir exemple 1 de Hänsel und Gretel pour les 5e ou l’exemple 2 de Fahrrad fahr’n pour les 6e). Ainsi, les élèves ont pu saisir le sens général de la chanson. Ensuite, un travail sur le genre et la structure de la chanson est également systématiquement envisagé, souvent en musique (voir Exemple 3). Finalement, des éléments linguistiques (vocabulaire, structures grammaticales, expressions figées ou chunks) sont utilisés pour la réalisation de tâches orales ou écrites. Certaines tâches partent de quelques mots ou du sens de la chanson pour concevoir des productions différentes, telles que des cartes de vœux, des saynètes, des présentations avec des supports visuels ou des devinettes. D’autres tâches restent proches de la chanson et proposent par exemple de réécrire ou inventer, en chantant ou en parlant, des phrases de la chanson comme changer des mots du refrain, comme pour la chanson Fahrrad fahr’n (voir exemple 4)
Il s’agit donc plutôt d’un apprentissage implicite, où les élèves utilisent les structures et les mots en contexte, sans explications grammaticales. Ce qui est explicite, c’est le travail sur le vocabulaire qui prévoit beaucoup de répétitions en classe, le recours à l’image, au son, au geste, au rythme, mais jamais de listes à apprendre par cœur. Grâce à la musique, les élèves travaillent sur la langue via différents canaux sensoriels productifs (gestes et voix) et réceptifs (vue et ouïe) (exemple 5 sur les percussions corporelles dans la chanson Hänsel und Gretel).
Et au-delà de la langue, une composante que nous jugeons essentielle est le contact avec des éléments culturels. Cela permet aux élèves de se créer une image vivante de la langue. Nous avons notamment cherché des chansons à forte composante culturelle : du conte d’enfants traditionnel et emblématique de la culture germanophone (la chanson populaire Hänsel und Gretel) ou d’un épisode historique entré dans l’imaginaire collectif des Anglais, comme the great fire of London de London’s burning, à des groupes musicaux de jeunes enfants comme Die Gang (Müde) ou Bruno Mars est les Muppets (Dont’ give up), aux chansons d’amour (In deiner kleinen Welt de Namika) ou de voyage (194 Länder de Max Forster), ou encore de thématiques des jeunes (Cheap Thrills de Sia), des chansons drôles populaires pour enfants (Mein Hut der hat drei Ecke ou Nina mag nur Nudel), mais aussi des grands compositeurs comme Max Raabe (Fahrrad fahr’n) ou Aretha Franklin (Respect). Après 45 minutes de cours, les élèves sortaient en chantonnant la chanson avec quelques paroles ce que nous avons interprété comme une réussite didactique. Nous visons rarement un apprentissage par cœur, sauf pour les chansons faciles et répétitives comme Mein Hut ou London’s burning. Dans les faits, nous avons toutefois observé que même une chanson difficile peut être chantée en partie et que son sens général était compris. Nous avons travaillé aussi sur d’autres composantes que le texte : le rythme, l’instrumentation, son genre musical, la vidéo qui accompagnait la chanson.
Il s’agit plutôt d’un apprentissage implicite, où les élèves utilisent les structures et les mots en contexte, sans explications grammaticales. Ce qui est explicite, c’est le travail sur le vocabulaire qui prévoit beaucoup de répétitions en classe, le recours à l’image, au son, au geste, au rythme, mais jamais de listes à apprendre par cœur. Grâce à la musique, les élèves travaillent sur la langue via différents canaux sensoriels.
CeDiLE : Parlez-nous de votre vision de l’enseignement de l’allemand dans les écoles primaires vaudoises. Pensez-vous que d’autres combinaisons, comme le sport et l’allemand, seraient également avantageuses ?
Chiara Bemporad : Nous réfléchissons actuellement à des liens avec d’autre disciplines, notamment le sport ou les arts visuels pour créer des îlots immersifs. Renforcer l’enseignement des langues, actuellement limité à 2 ou 3 périodes par semaine, tout en intégrant une approche interdisciplinaire cohérente et motivante pour d’autres disciplines, bénéficierait certainement aux apprentissages des élèves. Dans notre Unité de didactique des langues et cultures de la HEP Vaud, nous serions prêts à créer des ressources pour des contextes d’immersion adaptées à des conditions cadres qui nous serait données.
CeDiLE : Et pour finir, quels sont vos prochains objectifs pour l’intégration des langues étrangères dans le cours de musique ?
Chiara Bemporad : Nous avons trois idées principales. Tout d’abord nous voudrions élargir l’offre des séquences pour le cycle 3 : actuellement nous avons seulement 3 séquences conçues et testées spécifiquement pour le cycle 3 (2 en anglais et 1 en allemand). Celles de 8e peuvent être utilisé en 9e-11e, mais doivent être adaptée pour un niveau linguistique plus élevé. De plus, je développe un projet musique avec l’italien pour le cycle 3 et le gymnase, en commençant avec un volet sur l’opéra en italien L2 (Langues et musique : l’italiano all’opera). Finalement, avec le Laboratoire Langues plurilinguisme intégration culture de la HEP Vaud , nous avons l’idée d’un projet d’approche plurilingue et ouverture aux langues en lien avec la musique pour le cycle 1 et 2.
Merci Chiara Bemporad pour cet échange passionnant !
Chiara Bemporad est professeure associée en didactique des langues secondes et étrangères à la HEP Vaud. Parmi ses centres d’intérêt, le rapport langues et musique constitue l’un de ses axes de recherche à orientation interdisciplinaire et plurilingue. Parmi les articles sur le sujet on compte une contribution dans le numéro de Babylonia 3/2017, où elle partage d’autres idées pour des focus concrets et amusants sur la prononciation, les accents et les stéréotypes à travers un travail sur la comédie en musique et deux articles sur le projet en question co-écrits avec Sabine Chatelain et paru en 2023 et 2024.
[1] Le projet de comprend actuellement 9 séquences d’allemand-musique pour le cycle 2 (financées par l’OFC). 8 autres, 2 pour le cycle 1 d’eveil et ouverture aux langues, 4 pour l’anglais-musique cycle 2 et 2 pour le cycle 3 en anglais et allemand-musique ont été financées par le FRI HEP Vaud. Les collaboratrices qui y ont travaillé en plus que Sabine Chatelain (professeure ordinaire en didactique de la musique) et moi-même sont : Ruth Samin, didacticienne d’allemand ; Ester Ferraro didactienne de musique ; Ruth Benvegnen, didacticienne d’anglais et Veronika Zoller, collaboratrice scientifique. D’autres enseignant·e·s ont également participé à la conception de quelques séquences.
Annexe – matériel didactique
Tous les exemples mentionnés dans l’article sont disponibles dans ce PDF
Références
Bemporad, C. (2017). Apprendre les langues avec la comédie en musique: poésie, humour et scène. Babylonia : revue pour l’enseignement et l’apprentissage des langues, 3, 57-61.
Bemporad, C. et Chatelain, S. (2024). Enjeux et défis de l’interdisciplinarité entre didactiques des langues et de la musique. In Y. Buyck, M. Sudriès, F. Ligozat & C. Marlot (Eds.). Les didactiques face à l’évolution des curriculums. Savoir(s) et pratiques pour entrer dans la complexité du monde. Actes du 6ème Colloque international de l’ARCD (vol. 2, pp. 19-32). Université de Genève. https://archive-ouverte.unige.ch/unige:174755
Bemporad, C. et Chatelain, S. (2024). Quand musique et langues s’unissent en classe : un exemple pratique pour un questionnement didactique. Forum lecture, n 1 en ligne dans https://www.forumlecture.ch/sysModules/obxLeseforum/Artikel/811/2024_1_fr_bemporad_chatelain.pdf
Russell-Bowie, D. (2009). Syntegration or Disintegration? Models of integrating the arts across the primary curriculum. International Journal of Education & the Arts, 10(28).
http://www.ijea.org/v10n28/
Samin R. et Chatelain (2023). Unterrichtsplanung. Hänsel und Gretel.
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