Découvrez Babylonia 1/25!
L’IA générative et l’enseignement des langues étrangères : un thème à la mode, certes, mais pour une bonne raison puisque l’IA bouleverse nos pratiques de production, de compréhension et de médiation entre les langues. Il fait peu de doutes que le nouveau numéro de Babylonia est bienvenu.
Dans notre commentaire, après une brève présentation du numéro, Sabine Christopher, Laura Loder Buechel et Veronica Sanchez Abchi, les éditrices, nous renseignent sur ce que l’élaboration du nouveau Babylonia leur a apporté en termes de pratiques, de connaissances et d’interrogations nouvelles. Écoutez-les respectivement en italien, anglais et français et consultez les transcriptions sur la page « Deutsch » ou traduites en français sur la page « Français ».
Le numéro de Babylonia tant attendu sur l’intelligence artificielle dans l’enseignement des langues étrangères vient de paraître !
Sans en dévoiler le contenu, nous pouvons dès lors assurer que le monde de l’intelligence artificielle est tout sauf ennuyeux.
Utilisez-vous Mizou ?
Connaissez-vous Tool@schools ou Latill ?
Avez-vous lu Es macht klick de Sara Alloatti et Filomena Montemarano ?
C’est le moment où jamais !
L’IA générative se répand dans les domaines les plus divers et modifie rapidement l’enseignement des langues étrangères. L’enseignement des langues deviendra-t-il obsolète s’il devient possible de voir en direct n’importe quelle émission dans n’importe quelle langue ? Les soigneuses planifications de leçons vont-elles être reléguées au passé ? Le temps de parole des élèves en classe peut-il être multiplié avec les chatbots ?
Ce numéro de Babylonia ne répond à aucune de ces questions mais il explore la manière dont l’IA est utilisée en classe et dans la formation des enseignant·es ainsi que les nouveaux outils – outils nouveaux au moment de la rédaction.
A lire les contributions, il s’avère que l’IA est principalement utilisée pour améliorer, et non remplacer, le travail des enseignant·es de langues : nous conserverons encore nos postes quelques jours. Quelle bonne nouvelle !
Mais la préparation et l’édition d’un numéro sur un thème encore si neuf pour la recherche – et pour cause ! – soulève d’autres questions que celles posés ci-dessus.
Le CeDiLE a interrogé Sabine Christopher, Laura Loder Buechel et Veronica Sanchez Abchi, les éditrices, pour en savoir plus sur ce que l’élaboration du numéro leur a apporté en termes de pratiques, de connaissances et d’interrogations nouvelles.
Qu’avez-vous appris dans ce numéro que vous avez adopté dans votre pratique ?
Écoutez la réponse de Laura Loder Buechel (en anglais) :
Les petites choses que nous savons, par exemple comment nos élèves parlent allemand, ne peuvent être transmises en un prompt.
Laura Loder Buechel
« Je pense que ce qui m’est arrivé dans ce numéro, c’est que j’ai commencé à m’énerver contre la machine et à me demander si je savais vraiment ce que je faisais, si je pouvais « battre la machine ». Alors, quand j’ai édité l’article d’Holli Schauber « Enlisting ChatGPT to Enhance Language Teacher Preparation », j’ai affiné ce que je faisais en classe. J’ai indiqué à mes étudiant·es comment sélectionner les mots à enseigner. Puis je leur ai donné un texte et je leur ai demandé de choisir les mots qui, à leur avis, devraient être entraînés. J’ai fait le même exercice, mais sans partager mes réponses. Nous avons ensuite utilisé des prompts différents, nous avons partagé nos résultats… pour constater au final que nos connaissances nous permettent de mieux faire les choses : les petites choses que nous savons, par exemple comment nos élèves parlent allemand, ne peuvent être transmises en un prompt et nous agissons beaucoup par intuition, et pour de bonnes raisons ! Holli Schauber a fait une activité similaire avec ses étudiant·es et j’ai apprécié de me baser sur son article comme d’une inspiration pour expérimenter sur ses traces ! »
Laura Loder Buechel
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué au cours de l’édition de ce numéro?
Écoutez la réponse de Sabine Christopher (en italien):
Promouvoir une utilisation consciente et critique de la compétence linguistique autonome combinée à la communication assistée par l’IA afin de pratiquer une communication authentique et humaine.
Sabine Christopher
« Pour moi, la collaboration à ce numéro de Babylonia a représenté avant tout une formidable opportunité d’apprentissage. En tant que chercheure en sociolinguistique, je suis consciente que les nouveaux outils de l’IA générative ont un impact énorme sur la pratique linguistique et communicative de chacun d’entre nous ainsi que sur les produits linguistiques auxquels nous sommes confrontés chaque jour. À cet égard, je me suis posé une question « de linguiste » : comment reconnaître un texte qui n’a pas été créé par un être humain, mais par une machine ? Le numéro s’ouvre sur un entretien avec Anna-Maria De Cesare, dont l’activité de recherche porte précisément sur cette question : comment reconnaître les caractéristiques distinctives de l’italien généré par l’IA aux niveaux lexical, syntaxique et pragmatico-textuel ?
Les nombreuses contributions de ce numéro qui se concentrent sur l’utilisation des outils d’IA en classe à différents niveaux scolaires et dans la formation des enseignant·es de langues soulignent néanmoins le caractère indispensable du facteur humain dans l’apprentissage des langues. La boucle est bouclée avec un véritable guide proposé par Sara Alloatti et Filomena Montemarano sur la manière d’utiliser l’IA dans l’enseignement et l’apprentissage des langues. Dans l’article, les auteures appliquent à l’enseignement des L2 et des LE ce qu’elles ont appris lors de l’élaboration du manuel en allemand Es macht Klick et en italien Io scrivo con l’IA : deux guides pour toutes les disciplines scolaires qui proposent aux élèves des activités concrètes pour augmenter leur sens critique face à l’IA générative et à son utilisation pour rédiger des textes. L’article montre comment promouvoir une utilisation consciente et critique de la compétence linguistique autonome combinée à la communication assistée par l’IA afin de pratiquer une communication authentique et humaine, c’est-à-dire située dans le monde réel dans lequel nous vivons et en lien avec nous-mêmes et avec notre perception. Apprendre et enseigner une langue ne peut donc pas être séparé du facteur humain ! »
Sabine Christopher
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris lors de l’édition du numéro?Écoutez la réponse de Veronica Sanchez Abchi (en français):
[Sara Cotelli] propose justement des pistes concrètes pour développer chez nous et chez les étudiants, chez les élèves, une relation plus responsable avec les outils d’IA générative.
Veronica Sanchez Abchi
« Pour moi aussi, participer à la préparation de ce numéro a été une vraie occasion d’apprentissage. On m’a demandé ce qui m’avait le plus surprise dans le processus d’édition. Et en fait, ce n’est pas tellement ce que l’IA permet de faire qui m’a étonnée – ça, je le savais déjà plus ou moins, mais plutôt tous les outils développés ici en Suisse pour l’apprentissage de langues étrangères. C’est même pour ça qu’on a décidé pour cette édition de créer une nouvelle rubrique qu’on appelle « Nuovi Strumenti » . Et puis, autre chose qui m’a frappée, c’est vraiment la vitesse à laquelle l’IA entre dans les salles de classe. C’est justement pour ça que je pense que c’est super important d’avoir des repères, des réflexions solides basées sur la recherche. Par exemple, l’article de Berthele montre bien que, oui, on peut utiliser ChatGPT pour apprendre le vocabulaire, ça fonctionne, mais il pose aussi la vraie question. Alors, qu’est-ce que ça apporte en plus par rapport aux méthodes plus classiques ? L’étude de Broca et Iniesta Jiménez nous incite aussi à rester prudents. L’IA peut certainement avoir un effet positif sur certains aspects dans la réalisation des tâches, mais pas forcément sur tout. Et voilà, dans ce sens-là, je trouve l’article sur le développement de la littératie numérique vraiment intéressant. Il est signé par plusieurs autrices et auteurs de différentes institutions sous la direction de Sara Cotelli. Elle propose justement des pistes concrètes pour développer chez nous et chez les étudiants, chez les élèves, une relation plus responsable avec les outils d’IA générative. Pour finir, il y a des questions qui m’ont accompagnée tout au long de la préparation de ce numéro et que je continue à me poser aujourd’hui. Ce sont toutes les questions ouvertes autour de l’impact éthique et écologique de l’IA en classe. Sur ce point, on fait la réflexion du guide de l’UNESCO sur l’IA dans l’éducation et la recherche, ainsi que les recommandations de la CIIP, la Conférence intercantonale de l’instruction publique, pour une utilisation réfléchie de l’IA dans l’enseignement, que l’on cite d’ailleurs dans l’intro de ce numéro. Ce sont, il me semble, vraiment des ressources précieuses, des outils qu’on devrait vraiment intégrer en classe pour accompagner une utilisation plus responsable et surtout plus critique de l’IA. »
Veronica Sanchez Abchi
Merci, Veronica Sanchez Abchi, Sabine Christopher et Laura Loder Buechel, de partager vos réactions.
(Re-)Découvrez la contribution de Sybille Heinzmann sur l’intelligence artificielle: