Des réponses aux parents sur le développement du langage : aperçu du Babylonia 3/24 [entretien]

Le dernier numéro de Babylonia (3/24) s’adresse cette fois-ci non pas aux enseignant·e·s et didacticien·ne·s de langue comme à son habitude, mais aux jeunes parents qui s’interrogent sur le développement linguistique de leurs enfants et sur la meilleure manière de les accompagner et de les soutenir.

Dans cette interview plurilingue, les éditrices Amelia Lambelet, Annick De Houwer et Anna Ghimenton nous relatent la genèse du numéro et leurs expériences du processus de rédaction. Par cette publication, elles cherchent à ouvrir le dialogue entre parents et scientifiques. Pour continuer ce dialogue, les lecteur·trice·s sont invité·e·s à soumettre leurs questions complémentaires, auxquelles répondront des expert·e·s au printemps 2025.     

CeDiLE : Qu’est-ce qui vous a incité à faire un numéro destiné aux parents ?  
Amelia Lambelet : Chez Babylonia, nous sommes impliqués dans la vulgarisation scientifique car il nous semble important de « traduire » les résultats scientifiques pour un lectorat plus vaste. Notre public cible a toujours été, en particulier, les enseignant·e·s de langues étrangères et les didacticien·ne·s, mais avec notre passage à l’open access, nous nous sommes rendu compte que notre lectorat a évolué et s’est diversifié. De nos expériences personnelles et des discussions dans notre entourage, nous avons été sensibilisés aux difficultés que rencontrent les jeunes parents lorsqu’ils cherchent des réponses quant au développement du langage des enfants : ils reçoivent des commentaires et conseils de leur entourage, mais ceux-ci sont souvent contradictoires, et potentiellement angoissants. Les parents sont perpétuellement confrontés à d’autres enfants qui parlent mieux, plus vite, de manière plus compréhensible, ou tout simplement différemment. Ils cherchent des réponses sur internet et ouvrent une véritable boîte de Pandore, avec une pléthore de sites internet plus ou moins scientifiques offrant – ou vendant – des conseils et des méthodes pour accompagner le développement du langage des enfants. Il existe pourtant des réponses basées sur des résultats de recherche à la plupart des questions que les parents se posent, et ces réponses peuvent être formulées de manière compréhensible si nous nous en donnons la peine. Nous avons donc décidé de faire un pas dans cette direction avec un numéro de Babylonia portant spécialement sur ces questions. 
Annick De Houwer : I was super pleased when Amelia proposed to me that we could edit a Special Issue about questions parents have about their children’s language development. I’m a senior scholar but from the days that I was working on my doctoral dissertation on bilingual acquisition (in the 1980’s) I was asked questions by parents about how to raise children bilingually. I have consulted with close to a thousand of individual parents over the decades since then. I know there continues to be a great deal of insecurity out there, and it has been the main goal of my post-retirement years to bring results of scientific research on child development to a worldwide audience more than I’ve had time for before. This goal has been one of the reasons why I founded the Harmonious Bilingualism Network, HaBilNet. And this is why I was immediately prepared to help realize Amelia’s goal! Thanks, Amelia, for your initiative!

CeDiLE : Comment avez-vous procédé pour choisir les thèmes Amelia Lambelet : Au lieu de définir les thèmes du numéro nous-mêmes, comme nous le faisons d’habitude, nous avons décidé de partir de vraies questions de vrais parents. Nous avons donc lancé un appel à questions à l’aide d’un questionnaire en ligne. Après trois mois, nous avions récolté plus de 20 questions, que nous avons ensuite organisées par thématiques et envoyées à des expert·e·s du domaine, avec pour consigne d’y répondre de manière simple et pratique. 

Nous avons décidé de partir de vraies questions de vrais parents.

Amelia Lambelet

L’une des questions pratiques qui nous a particulièrement préoccupées concerne la langue des articles. Des questions posées en anglais, italien, français et allemand ont parfois fait l’objet d’un même article. Dans ces cas, nous avons choisi de traduire les articles en entier dans la langue des différentes questions. Puis nous avons aussi décidé d’ajouter sur notre site un résumé généré par une intelligence artificielle dans les quatre langues de Babylonia pour permettre au plus grand nombre de parents possibles d’y avoir accès.

CediLE : A-t-il été facile de convaincre des expert·e·s du domaine de répondre à ces questions ?
Anna Ghimenton : Les différentes sollicitations ont été accueillies avec un grand enthousiasme par les chercheurs et chercheuses. Cela témoigne d’un très fort intérêt pour la dissémination des résultats auprès de la société civile. Babylonia a donc fourni, d’une part, l’occasion pour les parents de poser leurs questions de manière tout à fait anonyme et, d’autre part, un lieu important de transmission de connaissances répondant à des questions spécifiques. 

Les différentes sollicitations ont été accueillies avec un grand enthousiasme par les chercheurs et chercheuses. Cela témoigne d’un très fort intérêt pour la dissémination des résultats auprès de la société civile.

Anna Ghimenton

Annick De Houwer : Indeed, I can only echo Anna’s experience — the scholars I was responsible for inviting to collaborate were all very enthusiastic from the start. Some were very happy to have what for them was a learning experience, given they are not used to writing texts for a general audience.

CediLE : Quels sont les principaux thèmes qui préoccupent les parents ?
Anna Ghimenton : Plusieurs questions gravitent autour du développement « normal » de l’enfant. Autrement dit, la plupart des parents se questionnent sur les jalons d’un développement typique chez l’enfant et sur la façon dont ils peuvent accompagner au mieux ce développement. Le bilinguisme occupe aussi une place importante dans les interrogations des parents. Le corpus de questions récoltées se répartit principalement en deux groupes. D’une part, les parents souhaitent avoir des pistes de réflexion sur la manière dont on peut transmettre les langues de la famille aux enfants, en particulier lorsque la langue de la famille est une langue minorée. D’autre part, les parents ont plusieurs interrogations sur l’impact du bilinguisme sur l’entrée dans l’écrit, ou encore sur le développement langagier de l’enfant, ou s’il y a des liens entre le bilinguisme et le développement de troubles du langage, tels que la dyslexie. 

CediLE : Y a-t-il un article que vous trouvez particulièrement intéressant ?
Amelia Lambelet : Tou·te·s nos auteur·e·s se sont donnés beaucoup de peine pour écrire des articles clairs et de véritable vulgarisation, avec souvent des conseils très pratiques et utiles pour les parents. Nous en sommes très heureuses, car ce n’est pas forcément un exercice facile lorsque l’on est habitué à publier des articles scientifiques ! Pour répondre à la question, personnellement, l’article qui m’a le plus parlé est celui de Ludovica Serratrice, concernant le temps d’écran. Les recommandations officielles aux parents, selon lesquelles les enfants ne devraient pas avoir accès du tout à des écrans avant trois ans, sont en effet extrêmement difficiles, voire impossibles à suivre, et par là même culpabilisantes pour les parents. Ludovica Serratrice ne remet pas en question ces recommandations officielles mais explique comment faire de l’écran un outil utile pour le développement du langage. Une véritable bouffée d’air !
Anna Ghimenton : Personalmente, come una mamma di bambini bilingui ma anche come docente universitario, ho trovato questo numero appassionante, in particolar modo per la varietà di temi affrontati. L’articolo di Simona Montanari e anche quello di Ludovica Serratrice e di Agnès Witko ad esempio mi hanno dato molti spunti per i corsi sull’acquisizione del linguaggio che dispenso nel quadro della formazione di futuri/e insegnanti.  
Annick De Houwer : As a senior scholar with a wide range of experience in early language development (both bilingual and monolingual) I was quite familiar with all the topics and found all the articles interesting, but I particularly liked the article by Ruth Kircher because it is so fundamental. The continuing discriminatory attitudes about early bilingualism that we find across the Global North create social inequality and stand in the way of Harmonious Bilingualism. People should realize just how ingrained these discriminatory attitudes are and how much activist work there still is to be done.

The continuing discriminatory attitudes about early bilingualism that we find across the Global North create social inequality and stand in the way of Harmonious Bilingualism.

Annick De Houwer

CediLE : Et si des parents ont encore des questions, peuvent-ils vous contacter ?
Amelia Lambelet : Notre but avoué avec ce numéro était de commencer un dialogue avec notre lectorat et au-delà. Nous continuons sur cette lancée en invitant nos lectrices et lecteurs à nous poser toutes les questions qu’il leur reste après lecture du numéro. Pour cela, il suffit d’aller sur ce lien et de poser des questions de manière anonyme. Nous y répondrons nous-même au printemps (stay tuned !) et/ou les ferons suivre aux chercheuses et chercheurs mieux à même d’y répondre. N’hésitez donc pas à poser vos questions et/ou à transmettre le lien ci-dessus dans votre entourage ! 
Annick De Houwer : Parents who are in a bilingual setting are very welcome to request a free personal consultation through the HaBilNet website; the form is available in English, Dutch, French, and German).

CeDiLE: Un grand merci pour toutes ces réponses ainsi que pour ce numéro destiné à un public très vaste!

Découvrez le numéro!


(Re)découvrez notre contribution au sujet du rôle des parents dans le développement du plurilinguisme:

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